Les Cahiers de la Maison de l’Épargne – édition 22 – Avril/Juin 2022

EDITO

Le retour à l’emprunt national ? 

Au cours du 20ème siècle, les affiches réalisées par des illustrateurs célèbres, ont permis de lever des fonds importants auprès des épargnants, à l’occasion des grandes causes nationales et des conflits militaires. Souvenez-vous des slogans : « Souscrivez pour la paix et la victoire » (Besnard 1917), « Souscrivez pour que nos enfants ne connaissent plus les horreurs de la guerre » (Société Générale 1917), « En Belgique, les belges ont faim » (Steinlen, 1915), « L’or combat pour la victoire » (Faivre 1915), etc. Même contre la guerre en Serbie, un emprunt a été lancé en France. Ces emprunts qui sollicitaient la solidarité et le patriotisme étaient facultatifs, sauf pour « l’emprunt sècheresse » de Raymond Barre. Les emprunts qui étaient rémunérés à 4% en 1914 et 6% en 1920 étaient exonérés d’impôts même pour les rentes perpétuelles ; la collecte a été considérable. Mais aujourd’hui, les épargnants français ne sont plus aussi sensibles aux anciens langages de participation financière idéologique. Au lieu de recourir aux marchés financiers
pour lancer un emprunt européen, Bruxelles tentera-t-elle de prendre le risque de solliciter directement les épargnants compte-tenu du retour de la guerre en Ukraine qui touche toute l’Europe ? Aucun des candidats à l’élection présidentielle n’a évoqué cette hypothèse, malgré les plus de 600 milliards d’euros de fonds non rémunérés qui dorment sur les comptes courants des épargnants français (environ 20% de l’épargne française n’est pas rémunéré). Pourtant, l’épargne reste un moteur essentiel à l’économie et il est donc possible que cette option soit une surprise, plus tôt que prévu !

Gérard AUFFRAY
Président Fondateur

G.Redon (1917), « Souscrivez pour que les enfants ne connaissent plus les horreurs de la guerre »

Aux larmes, épargnants

Des malheureux évènements historiques ont ruiné les épargnants.

La Crise de la pomme de terre en Irlande

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  Le début de cette crise date de l’année 1845 et fut en grande partie le résultat de cinquante années d’interactions désastreuses entre la politique économique impériale britannique, des méthodes agricoles inappropriées et l’apparition du mildiou (parasite) sur l’île. À l’époque, le mildiou anéantit presque intégralement les cultures locales de pommes de terre, qui constituaient la nourriture de base de l’immense majorité de la population. Un tiers de la population dépendait exclusivement de la pomme de terre pour se nourrir. 95% des terres appartenaient seulement à quelques familles. Pendant la crise, la chute de production est de l’ordre de 40%.

La famine durera jusqu’à 1851 ; mais la crise s’étale pendant des décennies. Cette crise est à l’origine d’environ un million de morts et de deux à trois millions d’irlandais qui ont dû émigrer. Suite à la famine et le phénomène migratoire, la population irlandaise en 1911 tombe à 4 millions d’habitants, son niveau de 1800. Le nombre de victimes aurait pu être sensiblement moins élevé si les responsables politiques britanniques avaient choisi d’intervenir. Pourtant, par négligence et indifférence, ou mépris des pauvres, ils sont restés globalement passifs. Ceux qui se sont prononcés en faveur d’une aide à l’Irlande ont rencontré l’hostilité d’une partie de l’opinion publique anglaise et des partisans d’un libéralisme économique sans entrave. Sur le plan culturel : avant la crise, 90% de la population parlait la langue irlandaise. Après la crise cette langue est parlée à peine par 20% de la population, l’anglais s’étant imposée comme langue officielle. Aujourd’hui, la langue gaélique est parlée par seulement 2% de la population. Cette crise a été à l’origine d’un mouvement social (Young Ireland) qui accusait l’Angleterre d’avoir créé la famine en envoyant le mildiou.

… Et dans l’actualité, les problèmes sont aussi récurrents

Les influenceurs dans le viseur de Bercy

L’Etat lutte contre la publicité de produits financiers sur les réseaux sociaux, à la suite de l’apparition de pratiques commerciales trompeuses qui ont explosé depuis un an sur les réseaux sociaux, notamment chez ceux qu’on appelle «les influenceurs». Ces personnages aux plusieurs milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux (Instagram, Snapchat ou TikTok), partagent de faux bons plans à leur communauté pour les inciter à se former au trading. Ils promettent des rendements «élevés et sans risques». Ils vantent notamment les mérites de produits financiers instables telles que des cryptomonnaies sans avoir aucune connaissance de ces produits. En publiant ces messages, l’influenceur reçoit une rémunération pour en faire de la publicité. Selon le parquet de Paris et l’Autorité des marchés financiers (AMF) ; «les réseaux sociaux et les influenceurs sont devenus les nouveaux points d’entrée des arnaques à l’investissement». En 2021, ces arnaques ont fait perdre un demi-milliard d’euros aux français. Près d’un tiers des victimes avait été exposé à des publicités sur les réseaux sociaux.

La cible préférée des arnaques au placement est surtout un public très jeune, de milieu modeste, en particulier dans le domaine du trading ; incapables d’anticiper les fluctuations des marchés. Les arnaques sont aidées puisqu’elles sont vantées par des personnalités de la téléréalité dont l’enrichissement personnel et l’ascension sociale a été fulgurante. Plusieurs de ces influenceurs qui résident à Dubaï sont dans le viseur de la Direction Générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Un exemple très connu, l’influenceuse Nabilla, qui a eu une amende pour avoir fait la promotion de formation au trading proposée par un site spécialisé dans les bitcoins.

La DGCCRF, rattachée au ministère de l’Economie, a lancé à la fin de l’année dernière une task force avec l’AMF et le parquet de Paris pour lutter contre «les publicités déguisées» pouvant mener à des escroqueries financières. Selon la loi, dès lors qu’un créateur publie un contenu en échange d’une contrepartie, il doit obligatoirement préciser qu’il s’agit d’une collaboration commerciale. La loi Sapin 2 encadre depuis 2016 la publicité sur les produits financiers en interdisant de faire la promotion de «produits complexes».
Depuis quelques mois, le Ministère de l’Economie et des Finances multiplie ses efforts pour réguler le business lucratif des influenceurs, dans une lutte contre «la pratique déloyale du marketing d’influence», comme un de ses axes de contrôle prioritaire pour 2022. De son côté, l’AMF met à disposition sur son site depuis deux ans une liste noire d’acteurs de trading «non autorisés».

Le Figaro 29/12/21

Actualités

Ukraine : un étrange retour à un événement historique, un siècle après.

« Capitalistes de tous les pays, vous avez perdu »
Affiche satirique russe 1920, contre la Ligue des nations (France, Etats Unis et l’Angleterre).
Viktor Nikolaevich Denisov
(1843 – 1946)


« Tout pour vous ! Emprunt militaire à 5,5 % »
Affiche publicitaire publiée sur tout le territoire de l’empire Russe. Les transports sont un des points faibles de l’empire Russe, la mer Noire étant fermée par les Ottomans.
Ivan Alekssevich Vladimirov (1916)

 

 

Tirées de la collection d’affiches de la Maison de l’Epargne.

Petites phrases des Grands Penseurs

 

« Une épargne exagérée peut causer à un pays un réel préjudice.»

Robert Malthus, Correspondance de Malthus, 7 juillet 1821.

Produits d’épargne d’Actualité

Le taux du livret A grimpe à 1%

Le taux du placement préféré de français (56 millions ont un livret A) a doublé depuis le 1er février dernier, c’est la première fois depuis 10 ans. Le nouveau taux s’appliquera aussi au livret de développement durable (LDDS). L’augmentation des prix à la consommation en fin d’année (+2,8% sur un an selon INSEE) explique le pourquoi de cette mesure. Cependant la hausse annoncée ne couvrira pas totalement l’inflation (1,6% sur 2021), d’autant que celle-ci a fortement accéléré en fin d’année et continue dans ces premiers mois de l’année (3,6% en février sur un an selon l’INSEE). Le grand gagnant de ces changements de taux est le livret d’épargne populaire (LEP) qui rapporte 2,2% depuis le 1er février car sa formule est liée à l’inflation. Actuellement, 7 millions de français détiennent un LEP et 15 millions sont potentiellement éligibles par rapport à leurs conditions de revenus.
Mais ces niveaux pourraient ne pas durer puisque les taux de l’épargne réglementée sont révisés deux fois par an, donc le taux du livret A évoluera en conséquence en 2023. En dépit d’une rémunération faible, ce produit d’épargne est devenu un placement refuge pendant la crise sanitaire qui a vu bondir son encours à 343,4 milliards d’euros à la fin novembre dernier, selon la Caisse des dépôts.

Le Figaro 16/01/22


 

Coup d’oeil sur les rendements de l’épargne


 

Rendements des livrets

Rendements des assurances vie

Livret
Taux
Plafond
Livret A, Livret Bleu* 1.0%* 22 950€
Livret d’Épargne Populaire 2.2%* 7 700€
Livret Jeune 1.0 à 2.75% 1 600€
Plan d’Épargne Logement** 1.0% 61 200€
Livret de Développement Durable*** 1.0%* 12 000€
Compte Épargne Logement**** 0.75%* 15 300€

* Depuis le 01/02/2022
** Les intérêts sont exonérés d’impôt sur le revenu jusqu’à la veille du 12ème anniversaire.
*** Les intérêts sont exonérés d’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Le taux est aligné à celui du livret A.
**** Les intérêts sont exonérés d’impôt sur le revenu, mais sont soumis aux prélèvements sociaux.

Performance annuelle
Moyenne (FFA)
Fonds en Euros
(€)
Unité de compte
(UC)
2017 1.83% +5.80%
2018 1.80% – 8.10%
2019  1.46% +13.90%
2020 1.30% +0.30%
2021 1.0%*  

 

Rendements des SCPI
(évolution du prix des parts / France SCPI)

Performance des valeurs immobilières côtées en bourse

Croissance PIB France

Année

Taux

 
2017 4.43  
2018 4.35
2019 4.40
2020 4.18
2021 4.43

Année

Paris CAC40

2018 -11%
2019 +26.3%
2020 -7.14%
2021 +23.97%
2022
(01/01-22/03/2022)
-7.98%

Année

 

2018 -1.70%
2019 +1.30%
2020 -8.20%
2021 +7.00%
2022* +3.40%

*Prévision de la Banque de France, Mars 2022

Inflation, Variation sur un an (Insee/ Février 2022) …………………………………. 3.6%